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Du slogan à l’usine : des décisions pour ancrer la durabilité dans l’action

Depuis 15 ans, la durabilité est omniprésente : dans les plans stratégiques, les discours de dirigeants, les campagnes marketing. Mais le temps du slogan est révolu. Sous la pression croisée des régulateurs, des investisseurs, des talents et des consommateurs, elle est devenue une responsabilité d’exécution. Les dirigeants ne sont plus attendus sur leurs promesses, mais sur leur capacité à arbitrer, décider, mesurer et exécuter.

Dans notre article publié en septembre, nous avons mis en évidence le paradoxe de la circularité européenne : l’Europe encourage le recyclage, mais sans exiger que cette boucle soit locale. Résultat : une circularité parfois délocalisée, qui satisfait les exigences réglementaires mais prive les territoires d’emplois, de compétences et de valeur économique.

Ce cas illustrait un enjeu plus large. La circularité est l’un des exemples parlants de cette tension, mais elle renvoie à la durabilité dans son ensemble. Car au-delà des objectifs fixés par les régulateurs, la vraie question est de savoir comment les dirigeants transforment des cadres imparfaits en leviers de compétitivité et de valeur durable.

Quand la circularité se délocalise

Le secteur des batteries illustre bien ce paradoxe. La « black mass » (poudre issue du broyage des batteries et riche en métaux critiques) collectée en Europe peut être expédiée en Asie, retraitée, puis réintégrée dans des composants importés.

Un problème qui dépasse les batteries. Dans toutes ces filières, la durabilité est évaluée sur des critères administratifs, taux de recyclage, conformité carbone, qui négligent une dimension essentielle : l’ancrage territorial..

Décider malgré l’imperfection

C’est précisément là que s’exprime la responsabilité des dirigeants : ne pas attendre un cadre parfait, mais arbitrer dans l’imperfection. Certains choisissent ainsi d’introduire un critère de proximité géographique dans leurs achats, d’offrir une visibilité pluriannuelle aux recycleurs régionaux ou de renforcer la traçabilité de leurs flux de matières. D’autres vont plus loin, en adaptant l’éco-conception de leurs produits aux capacités locales ou en s’associant à des coalitions intersectorielles sur leur territoire : partenariat public-privé, association dans la filière verticale, …

Ces décisions, parfois exigeantes à court terme, deviennent stratégiques à long terme : elles prouvent que la durabilité n’est plus un discours, mais une série d’actes concrets qui réduisent les risques, renforcent la confiance des parties prenantes et ancrent l’entreprise dans son écosystème local.

Mesurer ce qui compte vraiment

Les normes ne manquent pas : ISO, reporting extra-financier, standards européens. Mais elles disent peu de choses sur la valeur créée ou perdue pour les territoires.

Les COMEX peuvent enrichir ces cadres en choisissant eux-mêmes ce qu’ils veulent mesurer : part de matières recyclées sourcées localement, distance parcourue par les flux, emplois soutenus dans les territoires. Ces indicateurs ne remplacent pas les normes existantes, mais les complètent, en donnant une image plus fidèle de la contribution réelle de l’entreprise.

Accélérer l’exécution

Le défi, souvent, n’est pas la vision : elle existe déjà. C’est le rythme. Les dirigeants doivent désormais prouver leur capacité à exécuter rapidement. Dans ce contexte, le management de transition peut jouer un rôle utile : non pas pour combler un manque, mais pour apporter une capacité d’exécution renforcée sur des chantiers qui demandent une intensité forte dès le départ.

La durabilité comme test de leadership

Ce que révèle la circularité vaut pour l’ensemble de la durabilité : au-delà des textes, ce sont les dirigeants qui décident si leurs choix créent réellement de la valeur économique, sociale et territoriale.

Plaider pour des règles plus cohérentes est indispensable. Mais l’attentisme n’est plus une option. Diriger, c’est arbitrer l’incohérence. Là où les textes s’arrêtent, la stratégie commence. Les dirigeants qui prennent aujourd’hui des décisions concrètes, parfois exigeantes, transformeront demain les paradoxes réglementaires en avantage compétitif, et donneront enfin tout son sens au mot “durabilité”.


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